Si vous êtes déjà allés à Paris, vous avez sûrement emprunté le célébrissime pont des Arts. Mais si, vous savez, ce fameux pont qui a abrité pendant des années les cadenas des amoureux transis, ornés de leurs initiales. Accessoirement, c’est aussi le pont le plus célèbre de la capitale pour les apéros en plein air. En effet, sa largeur, son revêtement en bois et son caractère piétonnier en font un lieu de rencontre de prédilection des flâneurs de la ville Lumière. Mais ce sont surtout ses cadenas qui ont fait sa renommée… jusqu’au jour funeste où la Mairie de Paris a été obligée de les arracher à leur maison. Mais, vous vous en doutez, ils ne se sont pas volatilisés pour autant. Alors que sont devenus les cadenas du pont des Arts à Paris ? On vous donne la clef de cette histoire rocambolesque ! 🔐
Un peu d’Histoire
Avant toute chose, revenons sur la longue histoire du célèbre pont des Arts. Sa particularité : il est le premier pont métallique de la capitale, les autres ponts étant traditionnellement en pierres. Construit entre 1801 et 1804, il est initialement pensé comme base d’un jardin suspendu, projet qui ne verra malheureusement jamais le jour.
Le pont des Arts a subi plusieurs modifications et reconstructions au cours de son existence, notamment à cause d’accidents fluviaux et de guerres. Du fait de sa fragilité, il est interdit d’accès en 1977. Une sage décision puisqu’il finit par s’effondrer en 1979, après qu’une barge l’a percuté.
Il est finalement reconstruit, à l’identique, et inauguré par Jacques Chirac en 1984. C’est la version du pont que l’on connaît et que l’on peut traverser aujourd’hui.
La tradition des cadenas
La suite de l’histoire, vous la connaissez : c’est celle des cadenas. Entre 2008 et 2014 ils viennent s’amonceler sur les grilles du pont des Arts. Des amoureux et amoureuses du monde entier se rendent sur la passerelle pour accrocher cet objet symbole de leur amour éternel. Souvent, ils peignent ou gravent leurs initiales sur le cadenas, le referment sur les grilles puis jettent les clefs dans la Seine, se jurant de s’aimer pour la vie. Une tradition qui viendrait des pays de l’Est ; on peut en effet voir à Moscou, par exemple, des arbres entiers dédiés aux cadenas des amoureux sur le pont Luzhkov, le long de la rivière Moskova.
Malheureusement, comme beaucoup de belles choses, l’histoire des cadenas du pont des Arts a une fin (ou presque). Près de 500 kg de cadenas peuplent chaque panneau grillagé de la passerelle et leur poids devient vite difficile à supporter pour le pont fragile. Jusqu’à ce que l’inévitable n’arrive et qu’une partie du grillage s’effondre en 2014. La Mairie de Paris n’a alors pas d’autre choix que de retirer les cadenas et de remplacer les grillages par des panneaux vitrés.
Une réincarnation inspirante
La décision de la mairie d’enlever les cadenas du pont se fait au grand dam des couples qui ont perduré… et au soulagement de ceux dont les chemins se sont aujourd’hui séparés. Dans tous les cas, c’est un changement de taille qui ne laisse pas indifférent et chamboule le paysage auquel s’est habituée la capitale depuis près de 10 ans. La décision est alors prise de ne pas se débarrasser des cadenas comme de vulgaires chaussettes, mais plutôt de les transformer…
45 tonnes…
Dès 2016, pas moins d’un million de cadenas, soit environ 45 tonnes sont stockés dans les locaux de la ville. Une étape temporaire pour ces symboles d’amour qui ne vont pas tarder à trouver une nouvelle fonction.
Une vente aux enchères
En 2017, les cadenas deviennent les objets d’un projet caritatif. Une partie d’entre eux (10 tonnes) est mise en vente aux enchères. Les bénéfices sont reversés à des associations venant en aide aux réfugiés. Un beau projet qui permet de donner une seconde vie à ces témoignages d’amour. Mais l’histoire des précieux objets ne s’arrête pas là…
Une œuvre d’art
Enfin en 2020, les cadenas deviennent une œuvre à part entière. C’est à l’artiste franco-mexicaine Carmen Mariscal qu’est confiée la responsabilité de les réinventer. Du 12 mars au 28 avril 2020, ils prennent la forme d’une mystérieuse œuvre d’art située place du Palais Royal à Paris. Une maison éphémère de 3 mètres de haut recouverte de cadenas et intitulée « Chez Nous ». Une apparence relativement anodine qui cache de grandes questions philosophiques sur la nature de l’amour et du foyer. Carmen Mariscal se demande et nous demande pourquoi « le cadenas, symbole de l’oppression et de l’enfermement est, paradoxalement, devenu le signe de l’amour éternel » ? Une réflexion passionnante sur un thème universel.
L’histoire des cadenas du pont des Arts est donc à la fois ancienne, singulière, mouvementée et on-ne-peut-plus romantique. Car, même dans leur déclin, les cadenas ont pu renaître de leurs cendres. De quoi mettre du baume au cœur aux couples dont la preuve d’amour éternel s’est envolée. Si de tels cadenas ne sont donc plus visibles aujourd’hui dans la capitale, vous pourrez en revanche retrouver leurs semblables dans d’autres villes du monde, comme à Moscou. Une virée poétique digne des plus belles cartes postales. 💌